Wednesday, December 13, 2006

L’imaginaire chinois : le « corps » comme point de départ et l’art de voir dans Le Mangeur de Ying Chen.

Ce texte est une proposition pour une conférence sur la Chine dans la littérature au Québec. Ce texte est le premier texte qui exprime vraiment ce que je veux explorer dans la littérature d'aujourd'hui. La première partie du texte se rapproche de ma poésie en ce qu'il fut rédigé avec mon corps qui tremble et les mots qui se bousculent à la sortie de ma gorge. Je ne sais à quoi ressemblera ce projet, mais je sais comment il naîtra. Il sera le produit des vibrations de mon corps, rien de moins.

L’imaginaire chinois : le « corps » comme point de départ et l’art de voir dans Le Mangeur de Ying Chen.


Le Mangeur se gave des nourritures exogènes. Il consomme une quantité énorme de carburants qui, au lieu de l’énergiser, l’immobilisent. Le Mangeur est peintre. Par l’ingestion excessive, il étouffe son souffle vital par l’interruption du flot de sa respiration. Sa maladie le pousse à consommer plus qu’il ne crée. Quoi que la superficie de sa masse corporelle augmente, l’espace créateur de l’artiste se referme. Plus il consomme, moins il respire. Moins il respire, plus il consomme. Ce dynamisme s’avère mortel. Le souffle étant l’élément nécessaire à toute vie donc à toute création, le Mangeur s’éteint sous une montagne de bouffe tout en étouffant sa plus grande création, sa fille. Il veut protéger ce qu’il aime de ce qu’il ne comprend pas et n’arrive à contrôler. Dans ce cas-ci, le corps est un lieu hostile, un ennemi à la vie en raison de son élan destructeur. Il contribue au rétrécissement de l’espace, à l’étouffement de ce qui est vivant. La métaphore est évidente. Le corps du mangeur étouffe la narratrice tout comme le corps des mots pèse sur la gorge de l’auteur. La structure linéaire de l’alphabet étrécit le passage du souffle vital qui contient ce qu’elle a à montrer. La structure ouverte et spatiale de l’écriture chinoise serrait plus de mise pour la manifestation de sa vérité. Or, elle a choisi le Français. Naturellement, il ne lui reste plus que de laisser tomber les marges, les contours, les limites, les cadres, tout ce qui renferme et restreint. La linéarité du temps est la première à se métamorphoser en un canevas multidimensionnel. En échange, ce changement engendre plus d’espace pour l’exploration du message littéraire présent dans « l’ici-maintenant ». En vertu d’une temporalité éclatée, les lieux se présentent différemment, entre autres à travers une nouvelle élasticité du corps qui s’étend hors de son cadre. Dans ce projet, je suggère d’observer le message narratif de « l’ici-maintenant » en rapport avec les marques du passé qui le motivent et ce que ce message révèle à propos d’un espace-temps futur. Pour ce faire, je compte utiliser comme guide la notion d’autopoïèse présentée tout d’abord par Maturana et Varela (Autopoiesis and Cognition: the Realization of the Living, 1973 ) et récemment appliquée à la littérature par Ira Livingston (Between science and literature : an introduction to autopoetics 2006). Cette approche « auto-sufisante » qui s’apparente à celle du Tao dans la mesure où, dans le réseau organique du Tao, le procès compte autant que le produit, est pertinente dans le domaine du discours critique littéraire actuel qui semble s’appuyer davantage sur le produit aux dépens du procès.

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